"Ce qui m'épuise et ce qui me ressource" Temps de parole avec Catherine Mazereau, psychologue — Aumônerie des hôpitaux de Pau

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"Ce qui m'épuise et ce qui me ressource" Temps de parole avec Catherine Mazereau, psychologue

 

Mardi 10 décembre 2019

Sur la base d’un article de la revue SOUFFLES (présences et perspectives en santé mentale) de janvier 2019, « ce qui m’épuise, ce qui me ressource ». Le texte proposé est complété par un topo sur les résonnances bibliques de ce sujet, en évoquant deux prophètes, Jérémie et Elie.

Chaque semestre, toute l’équipe de l’Aumônerie des Hôpitaux de Pau se réunit pour partager un temps de parole et de relecture de ses pratiques, temps accompagné par Mme Catherine Mazereau, psychologue.

Dès le début des échanges, plusieurs personnes témoignent d’un épuisement possible dans l’expérience de la visite, du fait notamment de la grande diversité et du nombre important de personnes malades rencontrées, du sentiment d’impuissance qui peut être vécu, quelque fois du climat « électrique » qui peut exister dans les services. Un collègue relève avoir entendu d’un membre de l’aumônerie un « je suis inébranlable », et comprend que tout semble reposer sur sa propre volonté. Cela l’inquiète, car, dans l’expérience de la visite, nous ne sommes pas tout seuls, parce que accompagnés – certains expriment même précédés - par le Seigneur. Il s’agit bien de « donner de ma présence pour permettre au malade que je visite de mieux vivre sa maladie » (la compétence dont parle le texte est sans doute celle d’écouter et de savoir être en empathie), ce qui, si je puis dire, « consomme » beaucoup d’énergie et nécessite des lieux et des temps de ressourcements, comme par exemple cette expérience de relecture commune vécue aujourd’hui. Une autre collègue témoigne de l’importance pour elle des temps de retour de visites, ou un partage spontané avec les autres membres de l’Aumônerie peut se faire, dans la confiance et la discrétion.

Ce qui est important, c’est de garder précieusement le « pourquoi » de la visite, renchérit un autre participant : « donner une possibilité à la personne visitée de faire un bout de chemin » ; ce n’est donc pas moi qui fait tout, la personne peut - ou non - être ou se mettre en chemin, et Dieu est présent quoiqu’il arrive. Et de poursuivre : nous sommes les modestes représentants de la présence de Dieu, qui ne se désintéresse pas de l’épreuve en train d’être vécue.

Une autre témoigne d’avoir entendu de la part d’une personne malade un « je vous reconnais », tandis qu’il s’agissait de sa première rencontre avec cette personne. Ce n’est pas moi qu’elle reconnait, poursuit notre collègue, mais c’est l’Aumônerie comme un collectif : c’est aussi une source importante de ressourcement d’appartenir à une communauté chrétienne engagée.

« Lorsque je viens en visite, je suis toujours inquiet et il m’arrive parfois d’avoir envie de repartir, témoigne un collègue. Je me sens comme fatigué, épuisé même. Cependant, à chaque fois, ce cap franchi, je me trouve ressourcé par les rencontres faîtes en visite, je reçois beaucoup de joies et des témoignages qui m’aident dans ma vie de tous les jours ». Beaucoup partagent ce vécu autour de la table, même lorsque l’accueil de certaines personnes visitées est tiède ou que la communication orale est difficile ; un geste, un regard, un sourire peuvent être plus puissants que des mots, parfois malhabiles ou risqués.

Sur ce sujet, une collègue s’interroge sur le fait que certaines rencontres marquent plus que d’autres : un dialogue plus approfondi s’instaure, une certaine intimité se crée, et une joie peu passer d’une manière intense, c’est aussi un vrai ressourcement. Une autre collègue suggère que cela peut raisonner en fonction de notre vie, de ce que nous vivons hors de ce temps de service. Chaque visite est une nouvelle rencontre, et une source de fatigue ou d’inquiétude est d’avoir l’impression « d’être passé à côté », de constater que d’une visite à l’autre, la personne visitée change, que les relations sont moins bonnes qu’espérées… plusieurs témoignent de l’importance de saisir l’instant tel qu’il se présente, ce qui demande une présence réelle dans cet instant.

Enfin, ce vécu peut aussi s’appliquer à nos relations avec les équipes soignantes, ce n’est pas toujours facile d’être à l’écoute, de savoir se mettre « au diapason » de ce qui est vécu par les professionnels.

Ce temps de relecture nous permet d’approfondir ces mouvements d’épuisements et de ressourcements, de voir que c’est dans ces mouvements opposés et complémentaires que la vie se joue, que le Seigneur, comme à l’icône de l’amitié de la chapelle de l’Hôpital général, pose la main sur notre épaule pour nous dire son intime présence.

 

Pierre LEYRIS