Noël : une histoire vraie? — Aumônerie des hôpitaux de Pau

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Noël : une histoire vraie?

 

 

                                        NOEL

        Jésus est-il réellement né dans une étable                               entouré de bergers ? 

 

La réponse du Père Jacques Nieuviarts, bibliste, assomptionniste

 aux questions de Sophie de Villeneuve.  

 

Sophie de Villeneuve :

"Certains peinent à croire à cette histoire merveilleuse d'une naissance entre un âne et un bœuf… Est-ce vraiment ainsi qu'est né le Fils de Dieu? Les rois mages sont-ils vraiment venus lui offrir des présents? Que disent les textes exactement?"

 

J. N. : Saint Jean ouvre son évangile par ces mots mystérieux : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu". Je crois que saint Jean annonce qu'au plus profond, la naissance de Jésus est un mystère. Dans l'évangile de Marc, on est quasiment tout de suite au bord du Jourdain, au moment du baptême de Jésus. Seuls les premiers chapitres des évangiles de Matthieu et de Luc, qu'on appelle aussi les récits de l'enfance, nous parlent de la naissance de Jésus. Celui de Luc est tout entier centré sur Marie. Après l'apparition de l'ange à Zacharie qui annonce la naissance de Jean-Baptiste, Élisabeth rencontre Marie, et toutes deux sont dans l'allégresse, car Marie vient d'avoir la visite de l'ange qui lui annonce la naissance de Jésus.

Donc, tous les évangiles ne racontent pas la naissance de Jésus?

J. N. : Non, seulement Matthieu et Luc, et ils le font de manière différente, en étant d'accord sur l'essentiel.

Quel est l'essentiel?

J. N. : Que Jésus est fils de Dieu, conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie. Voilà ce que disent les textes. Ils disent aussi que Jésus est de la race de David, ce qui est très important, car Jésus est l'héritier de toute l'espérance messianique qui traverse la Bible.

Les textes sont aussi très précis sur les conditions de la naissance de Jésus?

J. N. : Oui, l'évangile de Luc parle de Nazareth et de Bethléem, mais l'âne et le bœuf ne figurent pas dans les évangiles, ils sont issus de l'intuition de saint François d'Assise, pour dire jusqu'où Jésus est allé dans l'humilité. Jésus naît à Bethléem, dit Luc, au cours d'un recensement, dans une salle à l'écart, parce que dans la salle commune il y avait trop de monde. Matthieu dit très peu de choses : que l'ange est apparu à Joseph pour lui demander d'accueillir Marie, qui porte en elle un enfant qui vient de l'Esprit saint.

C'est vrai qu'il n'y avait personne pour les accueillir?

J. N. : Le pape Benoît XVI a publié un livre dans lequel il demandait que l'on reçoive ce qui est dit dans les Évangiles comme une réalité profonde, qui est dans la foi factuellement vrai. Les historiens ont un regard beaucoup plus critique. Bien sûr, Jésus est probablement né en – 6 de notre ère. Mais il est né au milieu des bergers, qui sont les pauvres des pauvres, qui vont courir adorer l'enfant et en être les messagers. Le message de Jésus passe par la voix des pauvres. Matthieu, pétri d’Écriture, décrit Jésus comme un nouveau Moïse : Jésus est menacé par Hérode, et Dieu demande à Joseph de prendre l'enfant et de partir en Égypte. Rien ne prouve que la sainte famille, historiquement, soit partie en Égypte, mais les évangiles, en le disant, nous invitent à comprendre que Jésus est le nouveau Moïse.

Et les mages, qui suivent leur étoile et viennent de très loin?

J. N. : Dans le livre des Nombres, au chapitre 25, on trouve l'histoire de Balaam, un astrologue, un devin qui lisait dans les astres, qu'un roi païen appelle à maudire Israël. Balaam ne le fait pas, disant : "Je vois son astre se lever", et il se lance dans une véritable annonce messianique. Le texte de Matthieu est imprégné de cette histoire, ainsi que du livre d'Isaïe, et l'on voit qu'il tisse les Écritures de façon extrêmement serrée. Il dessine une véritable tapisserie qui nous montre qu'à peine né, Jésus est déjà menacé de mort. Et tandis que les gens de Jérusalem, qui lisent les Écritures, ne bougent pas, ces mages venus de loin, eux, viennent adorer Jésus.

Est-ce qu'ils sont vraiment venus?

J. N. : Je pense que la force de ces textes, c'est qu'ils sont une affirmation théologique, qu'on retrouve dans nos crèches où nous avons rajouté des chameaux. Dans le psaume 72, on dit que pour venir vers le roi choisi par Dieu, on montera des chameaux chargés de présents. C'est ce que font les mages. On peut croire aussi que c'est rigoureusement vrai. On ne peut pas l'affirmer historiquement, mais c'est une façon de lire l'Évangile qui enracine dans la foi et dit qui est Jésus.

Si je comprends bien, même si on ne sait pas si tout cela est vrai dans les faits, ce n'est pas très grave au fond? Ce qui est important pour notre foi, c'est ce que cela signifie ?

J. N. : Je ne dirais bien sûr pas cela de tout l'Évangile. Le P. Benoît, qui enseignait à l’École biblique de Jérusalem, disait : "Les évangiles n'ont pas voulu nous donner de l'histoire, mais de l'historique". Les Évangiles nous parlent le langage des Écritures, pour nous emmener beaucoup plus loin que l'histoire des événements.

Et la fameuse étoile, a-t-elle un sens?

J. N. : Je parlais à l'instant de l'histoire de Balaam, écrite bien avant la naissance de Jésus, qui voit l'astre se lever. Au temps de Jésus, on parlait d'un astre qui se lève pour une naissance extraordinaire, celle d'un empereur par exemple. Matthieu ne parle pas d'un empereur, mais du Fils de Dieu. Il parle là le langage des Écritures. Des chercheurs se sont demandé s'il s'était passé quelque chose à ce moment-là, et on a trouvé une conjonction d'astres particulière. Mais ce que disent les Évangiles est beaucoup plus profondément vrai que la réalité factuelle d'un événement, c'est que rencontrer Jésus Christ sauveur est essentiel pour nous tous. Cela bouleverse ma vie et celle de chacun d'entre nous. C'est une source d'espérance.

Vous lisez ces textes chaque Noël avec autant de passion?

J. N. : Avec autant de passion, avec une lecture naïve. Je lis ces textes comme un enfant, avec toute mon expérience d'exégète qui me dit qu'il y a une autre manière de les comprendre. Je pense que l'attitude croyante consiste à superposer les deux, pour laisser les Écritures dont ces textes sont gorgés remonter à travers eux et nourrir notre foi.

Donc, on peut sans problème se laisser bercer par la crèche, l'âne et le bœuf, les rois mages…

J. N. : L'enfant qui écoute ces textes les comprend magnifiquement, et cela le conduit au cœur de la rencontre du Christ. Quand on les lit comme un adulte, on est amené à faire fonctionner son intelligence, avec son cœur. Mais pour la nuit de Noël, je laisse longuement travailler le cœur, en laissant l'intelligence m'avertir doucement.

 

Sophie de Villeneuve pour l'émission "Mille questions à la foi" sur Radio Notre-Dame.