Bioéthique et Maternité avec le Docteur Henri Chauveau — Aumônerie des hôpitaux de Pau

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Bioéthique et Maternité avec le Docteur Henri Chauveau

 

                                  

 

            Tant que l'intervention médicale consiste à mettre en œuvre les moyens mis à disposition susceptibles de guérir ou de soulager un patient, l'interrogation morale ne se pose pas, hormis dans quelques cas extrêmes. Ou du moins ne se pose plus, grâce aux progrès des techniques intervenu au cours de l'Histoire, car le principe de l'intervention sur le corps humain a soulevé bien des discussions.

 

            Mais aujourd'hui, si l'on aborde la délicate question de la venue au monde d'un être humain, la médecine appliquée se retrouve au cœur d'un complexe où interagissent d'une part la recherche scientifique moderne, soucieuse d'améliorer la connaissance, et la question sociale du désir d'enfant et des conditions de son accueil.  

 

            C'est à cette interrogation que le docteur Henri CHAUVEAU, médecin biologiste attaché au centre palois d'Aide médicale à la Procréation, a bien voulu faire participer l'équipe d'aumônerie, ce 16 mai 2017.

 

            Les couples en désir d'enfant, confrontés à l'infertilité, recourraient traditionnellement à l'adoption, mais les avancées récentes de la biologie moléculaire ont renouvelé les données du problème : le don du sang, le don d'organes, les prélèvements de cellules souches hématopoïétiques, les recherches sur les cellules embryonnaires se sont multipliés. Grâce à la cryothérapie, il est maintenant possible de conserver pendant des années gamètes, ovocytes, voire des embryons.

 

            La législation sur ces questions a du mal à suivre. L'article L 2141-1 du code de Santé publique y fait mention . Les centres d'A.M.P. font l'objet d'une procédure d'agrément et sont soumis à des contrôles stricts et réguliers. A ces conditions, ils sont compétents pour répondre aux demandes présentées par les couples touchés par l'infertilité, soit celle de la femme, soit celle de l'homme.

 

            Dans ce cadre, les problèmes éthiques auxquels la société doit répondre demeurent : A quel moment faut-il se résoudre à recourir à une fécondation artificielle? Se pose alors la question de l'intervention éventuelle d'un donneur extérieur! Celui-ci doit-il rester anonyme? Quel sera le sentiment de l'enfant devenu grand quand il arrivera à se demander d'où il vient? Sans parler du don d'ovocyte, plus délicat, mais devenu techniquement possible depuis 1980.

 

            Compte tenu de l'évolution de la place de la femme dans la société moderne, l'âge moyen de l'arrivée du premier enfant dans une famille a tendance à reculer, ce n'est pas sans conséquences sur la fertilité féminine. Jusqu'à quel âge peut-on envisager une assistance médicale? 

 

            Après les remous créés par le "mariage pour tous", ces questions n'ont pas fait l'objet d'un grand débat public au cours des campagnes récentes. Elles restent ouvertes : faut-il laisser aux parents la liberté de briser l'anonymat? Et dans ce cas, à quel moment de l'évolution de l'enfant? Peut-on rapprocher cette question de l'accouchement sous X, qui a fait l'objet récemment d'un aménagement tendant à autoriser la connaissance à la majorité, sans effet sur l'état civil.

 

            Et le docteur d'énumérer les problèmes  :

 

Le mariage pour tous :

            La loi sur la "Mariage pour tous" a perturbé la droit à la filiation, quel nom portera l'enfant? Quelles seront pour l'enfant les conséquences de l'adoption ou de la fécondation in-vitro au sein d'un couple homosexuel? Quel sera le statut du conjoint par rapport à l'enfant?

 

Que faire des gamètes ou des embryons surnuméraires conservés?

 

-  La Cour de Cassation a interdit le don post-mortem d'un embryon à la veuve du donneur. Mais celle-ci peut adopter un autre enfant.

-  En faire don à un autre couple?

-  Les utiliser pour la recherche?

 

            La loi française  de 2011, reconnait à l'embryon le statut de "personne potentielle", et à ce titre rejette ces propositions. Toutefois, la législation varie d'un pays à l'autre. La tendance actuelle est de passer d'une "interdiction avec dérogations" à une "autorisation avec réserves", le risque étant de transformer l'embryon en "objet de laboratoire".

 

Le diagnostic pré-implantatoire :

            Les progrès sur la connaissance du séquençage de l'ADN permettent aujourd'hui de prévoir jusqu'à un certain point l'évolution future de l'être en formation : cet embryon sera il masculin ou féminin? Sera-t-il prédisposé à une évolution cancéreuse en grandissant? Sans parler du débat récemment renouvelé sur l'accueil des trisomiques.

 

            D'où les questions qui se posent aux futurs parents, s'ils sont avertis, et par voie de conséquence, aux médecins consultés par eux : Quelle place accorder à la maladie dans notre société? Peut-on décider que la vie ne vaut d'être vécue que si l'on est en bonne santé? Peut-on refuser la naissance d'enfants atteints d'une maladie grave? Quelle place accorder aux personnes handicapées? Jusqu'où le refus de la maladie peut-il autoriser la sélection des êtres humains?

           

            La position des religions est évidemment très réservée, avec des nuances, par rapport à ces questions.

 

La maternité pour autrui (GPA) :

            Avec la maternité pour autrui, la règle fondamentale du droit de filiation "mater semper" est aujourd'hui ébranlée : la GPA permet de dissocier la maternité utérine de la maternité génétique. La question peut se poser à des femmes privées d'utérus ou atteintes d'anormalités utérines.

 

            Cette technique est interdite en France, mais la question se pose de la reconnaissance par l'état-civil français d'un enfant  né de cette façon à l'étranger. Un enfant ne peut pas vivre en France sans papiers! Le tribunal européen a recommandé leur reconnaissance civile, mais quel nom portera-t-il?  Quels seront les parents?

 

            Des arguments pour et contre circulent :

 

- Les uns avancent qu'il faut tenir compte de la détresse des couples, qu'il vaut mieux légiférer plutôt que de laisser des pratiques clandestines se perpétuer, qu'il faut lutter contre le tourisme procréatif.

 

- Les autres regrettent qu'on ramène ainsi la grossesse chez les "mères porteuses" sinon à l'exploitation de la misère, au mieux à une période neutre impersonnelle, alors que la gestation doit être une expérience humaine qui touche la personnalité au plus profond. Qui sait comment cette marchandisation est ressentie de l'intérieur par l'enfant, pendant et à l'issue de la grossesse? L'incertitude sur son sort et son avenir, signent une évolution évidemment très contestable.

 

En conclusion :

            Docteur, vous terminez en précisant que nous sommes impliqués dans le monde, et pas à côté, préférant ne pas fermer les yeux sur les problèmes. Vous participez à des comités d'éthique, à des commissions pluridisciplinaires qui traitent au mieux chaque cas. Le sens de la responsabilité, les risques qu'elle implique, font  la grandeur de la mission du médecin. Merci à vous.

 

Robert LATAPIE